Séminaire linguistique 2024
Mardi 24 septembre 2024
Séance inaugurale du séminaire (pas de conférence)
Samir Bajrić, université de Bourgogne
Mardi 1er octobre 2024, 15h 00 – 17h 00, amphithéâtre MSH
Apprendre une langue, construire une vie : le DU Passerelle-Etudiants en exil
Claire Despierres, université de Bourgogne
Résumé :
Le DU passerelle-Etudiants en exil de l’uB accueille chaque année 80 personnes qui ont été contraintes de fuir leur pays et sont en attente ou bénéficiaires de la protection internationale en France. L’objectif de ce programme est d’accompagner le parcours d’apprentissage linguistique et la reprise d’études universitaires des participants.
Dans une approche holistique, l’équipe développe sa réflexion et la mise en place d’actions prenant en compte les dimensions culturelle (y compris culture éducative), sociale (conditions matérielles de vie et d’apprentissage), psychologiques (polytraumatismes) et affectives (liées à la situation d’exil) des apprenants.
La présentation s’attachera à rendre compte de la complexité de cette situation d’enseignement/apprentissage et de l’indispensable et permanente interrogation sur nos pratiques qu’elle nécessite.
Mardi 8 octobre 2024, 15h 00 – 17h 00, amphithéâtre MSH
Examining recent popular loanwords from English to French: A corpus-based study to understand the linguistic phenomenon dubbed “buzzwords”.
Aliénor Jeandidier, université de Bourgogne
Abstract:
Examining recent popular loanwords from English to French: A corpus-based study to understand the linguistic phenomenon dubbed “buzzwords”. Aliénor JEANDIDIER Scholars from several traditions have explored the ways in which neologisms and borrowings may interfere with language. Buzzwords – which are words used suddenly and frequently at a given time – can fall within the category of neologisms as they are words or phrasesthat may be either totally made up, or used in a way that sounds new and impressive to an uninformed audience. With English being the Internet’s lingua franca, buzzwords can be borrowed words or phrases used such that they seem to pervade the French linguistic landscape. As an example, we may cite “buzz” at the end of the 2000s (Fiévet & Podhorná-Polická 2010). This presentation aims to examine the linguistic phenomenon dubbed “buzzwords”. More specifically, we will be looking at buzzwords of English origin in contemporary French. The main question that arises is: why use English buzzwords? To answer that question, the present study – at the intersection of neology, borrowings, and buzz marketing – reports on a corpus-based analysis that empirically explores the uses of a few loanwords that appear in French Web 2.0 publications during the first two decades of the 21st century. Based on the manual analysis of more than a thousand occurrences taken from CanalBlog and French Web 2017, and on the application of the Behavioral Profile Approach (Gries & Divjak 2009, Glynn & Robinson 2014), we show that a word, and a fortiori a borrowing from English, is not a buzzword per se: it is rather a configuration of uses that makes the buzzword.
Keywords: behavioral profile approach, borrowings, buzzwords, neologisms, uses.
References:
Fiévet,A.-C. & Podhorná-Polická, A. (2010). « Étude contrastive de la circulation des néologismes identitaires pour les jeunes ». Neologica, N°4, Paris: Classiques Garnier, pp. 13-39.
Glynn, D. & Robinson, J. A. (eds.) (2014). Corpus Methods for Semantics. Quantitative studies in polysemy and synonymy. Amsterdam/Philadelphia : John Benjamins Publishing Company. Gries, S. T. & Divjak, D. (2009). «Behavioral profiles: A corpus-based approach to cognitive semantic analysis ». In Evans, V. & Pourcel, S. (eds), New directions in cognitive linguistics, Amsterdam: John Benjamins, pp. 57-75.
Résumé :
Des emprunts populaires récents à l’anglais : étude fondée sur les corpus pour appréhender le phénomène linguistique dénommé « buzzwords ». Aliénor JEANDIDIER Des spécialistes de diverses traditions ont étudié la manière dont les néologismes et les emprunts interfèrent avec la langue. Les buzzwords, caractérisés par une utilisation soudaine et fréquente à un moment donné, peuvent être considérés comme des néologismes: en effet, il peut s’agir de mots ou d’expressions soit totalement inventés, soit employés de façon à ce qu’ils paraissent nouveaux et impressionnent un public non averti. L’anglais étant la lingua franca d’Internet, les buzzwords peuvent être des emprunts utilisés de telle sorte qu’ils semblent envahir le paysage linguistique français. À titre d’exemple, citons l’emprunt à l’anglais buzz à la fin des années 2000 (Fiévet & Podhorná-Polická 2010). Cette présentation propose d’examiner le phénomène linguistique appelé « buzzwords ». Plus spécifiquement, nous étudierons des buzzwords d’origine anglaise en français contemporain. La principale question que nous posons s’intéresse aux raisons qui entourent l’usage de ces mots : pourquoi utiliser des buzzwords d’origine anglaise en français ? Afin d’y répondre, ce travail, situé au carrefour de la néologie, des emprunts et du buzz marketing, rend compte d’une analyse empirique fondée sur l’étude contextualisée des usages de quelques emprunts sélectionnés apparaissant dans des publications françaises du Web 2.0 au cours des deux premières décennies du XXIe siècle. En nous appuyant sur l’examen manuel de plus d’un millier d’occurrences issues des corpus CanalBlog et French Web 2017, ainsi que sur l’application de l’approche du profil comportemental (Gries & Divjak 2009, Glynn & Robinson 2014), l’étude démontre qu’un mot, et a fortiori un emprunt à l’anglais, n’est pas un buzzword en tant que tel : il s’agit plutôt d’une configuration d’usages qui fait le buzzword.
Mots clés : approche du profil comportemental, buzzwords, emprunts, néologismes, usages.
Références bibliographiques:
Fiévet, A.-C. & Podhorná-Polická, A. (2010). « Étude contrastive de la circulation des néologismes identitaires pour les jeunes ». Neologica, N°4, Paris: Classiques Garnier, pp. 13-39.
Glynn, D. & Robinson, J. A. (eds.) (2014). Corpus Methods for Semantics. Quantitative studies in polysemy and synonymy. Amsterdam/Philadelphia : John Benjamins Publishing Company. Gries, S. T. & Divjak, D. (2009). «Behavioral profiles: A corpus-based approach to cognitive semantic analysis ». In Evans, V. & Pourcel, S. (eds), New directions in cognitive linguistics, Amsterdam: John Benjamins, pp. 57-75.
Mardi 15 octobre 2024, 15h 00 – 17h 00, à préciser ultérieurement
Implicite et transcodage
Chantal Rittaud-Hutinet
professeur des universités honoraire / chercheur associé clesthia : langage, systèmes, discours (ea 7345)
université Sorbonne Nouvelle-Paris 3
Résumé :
Quand on veut l’oraliser, l’écrit se révèle souvent ambigu, signe que lorsqu’on parle l’infra-discours, dans ses sous-entendus de toutes sortes – arrière-pensées, second degré, intentions cachées, allusions, double sens – n’est déchiffré que grâce à l’intonation expressive.
Juste retour des choses, un des gros problèmes de la recherche sur l’oralité de l’oral est lié à sa transposition graphique, dès lors qu’elle doit être le miroir fidèle de son contenu en restituant au plus près l’ensemble de ses caractéristiques phoniques.
En effet l’orthographe d’usage, déjà notoirement insuffisante pour restituer la plus grande partie des particularités des sons, est encore moins performante quand il s’agit de la prosodie signifiante : l'écart s’avère encore plus grand avec la réalisation en discours de ses constituants sonores, segmentaux et supra-segmentaux.
D’où ces questions, auxquelles je m’efforcerai de donner quelques éléments de réponse :
- Est-il possible de rendre visible aux lecteurs tout l’implicite de l’énonciation ?
- Comment concrétiser la réalité phonique du sous-texte dans une représentation appropriée et complète ? Peut-on mêler les caractères de la typographie habituelle, avec ceux de l’alphabet phonétique international et d’autres ? Si oui comment, dans quelles proportions ?
- Quelles notations inventer, une fois épuisées les ressources des polices, des styles de caractères, des symboles, des diacritiques, des chiffres, des photos ?
- Le nombre des formes nécessaires pouvant être important, une autre ligne devient vite indispensable sous celle du texte des exemples ; parfois même plusieurs. Combien de lignes supplémentaires sont-elles supportables pour faire apparaître à la fois les indices suprasegmentaux, l’extension syntagmatique des signifiants, des signifiés, les chevauchements de parole, les tons modulés intra-syllabiques ?
- Dans quelle mesure peut-on réussir une ‘bonne’ proportion entre exactitude descriptive, options de transcription et lisibilité, en d’autres termes concilier lecture, reproduction imprimée et rigueur scientifique ?
Mardi 22 octobre 2024, 15h 00 – 17h 00, amphithéâtre MSH
Relations lexico-sémantiques et leur modélisation à travers les fonctions lexicales
Vladimir Beliakov, université Toulouse 2 Jean-Jaurès
Résumé :
Les lexèmes sont reliés entre eux par des relations paradigmatiques ou d’équivalence / d’opposition et des relations syntagmatiques ou d’enchaînement, un paradigme étant l’ensemble des lexèmes substituables dans le même contexte et le syntagme étant un groupement de lexèmes.
Ces relations si complexes et irrégulières soient-elles peuvent être étudiées et modélisées de façon systématique. Dans notre exposé, nous examinerons les fonctions lexicales, un outil formel développé dans le cadre de la lexicologie explicative et combinatoire et plus généralement dans le cadre de la théorie Sens <=> Texte d’I. Mel’čuk afin de faire face au choix du mot juste et à la production de la combinaison adéquate. Plus précisément, nous montrerons comment la notion de fonction lexicale permet de mettre en évidence les différents types de liens qui unissent des éléments du système lexical de la langue.
Mardi 5 novembre 2024, 15h 00 – 17h 00, amphithéâtre MSH
L'article : outil de la définition ou servitude grammaticale ?
Kirill Ilinski, Sorbonne Université
Résumé :
Nous nous intéresserons aux mécanismes discursifs qui régissent le choix entre l’article défini et l’article indéfini. Cela nous amènera à essayer de répondre à quelques questions liées à la catégorie de définition, notamment :
Comment définir la catégorie de définition ?
Quels sont les différents cas de la définition ?
Quels sont les facteurs discursifs qui interviennent dans la définition ?
Quel est précisément le rôle de l’article dans l’expression de la définition ?
Et enfin : pourquoi le choix entre l’article défini et l’article indéfini est l’un des sujets les plus difficiles à enseigner aux apprenants étrangers ?
Mardi 12 novembre 2024, 15h 00 – 17h 00, amphithéâtre MSH
Recherches contrastives en linguistique romane
Gorana Bikić Carić, université de Zagreb
Résumé :
Dans cette communication, nous nous proposons de présenter le corpus RomCro, conçu à la Faculté de philosophie et lettres de l'Université de Zagreb, et de montrer ses apports aux recherches contrastives en linguistique romane.
RomCro est un corpus parallèle multilingue et multidirectionnel qui contient des textes littéraires écrits en français, espagnol, italien, portugais, roumain et croate. Toutes les langues sont représentées avec des textes originaux et leurs traductions. Nous développons ce corpus depuis novembre 2019 dans le cadre d’un projet conçu à la Chaire de linguistique romane du Département d’études romanes, Faculté de philosophie et lettres de l'Université de Zagreb en Croatie. En ce moment, le corpus comprend une trentaine de romans du XXème et du XXIème siècles et environ 16 millions de mots. Il est composé de phrases alignées et il est lemmatisé et annoté morphologiquement, ce qui signifie qu'il peut donner des informations non seulement sur les traductions d'un mot, mais aussi sur l'emploi des catégories grammaticales. Il est accessible sur la plateforme Sketch Engine et, en version non lemmatisée, sur la plateforme ELRC (European Language Resource Coordination) 17, sous licence CC-BY-NC-4.0 (Bikić-Carić / Mikelenić / Bezlaj 2023). Le corpus est prévu exclusivement pour l'utilisation académique et non commerciale. Afin de protéger les droits d'auteur, l'ordre des phrases est aléatoire et il n'est pas possible de récupérer un texte dans sa totalité. Nous voudrions souligner le fait que c'est le seul corpus où sont présentés cinq langues romanes et le croate, ce qui le rend incontournable pour des recherches dans le domaine de linguistique contrastive romane en partant d'une langue slave, le croate, mais il peut être très utile aussi pour les romanistes en général, de même que pour les traducteurs ou les professionnels de l'enseignement.
Nous avons utilisé le corpus RomCro, depuis sa création, dans plusieurs recherches sur la détermination du nom (Bikić-Carić / Bezlaj 2020, Bikić-Carić 2020, Bikić-Carić 2022, Bikić-Carić / Bezlaj 2023, Mikelenić / Bikić-Carić 2023, Bikić-Carić / Căpăţînă 2024) et sur l'emploi de l'infinitif (Bezlaj / Bikić-Carić 2021). Comme nous allons le montrer, nous trouvons la comparaison des phrases alignées très utile dans le but de mieux comprendre non seulement les différences et similarités entre les langues, mais aussi le fonctionnement de chacune d'entre elles.
Jeudi 19 novembre 2024, 15h 00 – 17h 00, amphithéâtre MSH
Quand ne pas dire, c'est faire
Chems Eddine Chiheb, université de Bourgogne
Résumé :
Notre communication lors de ce séminaire linguistique visera à parler du silence dans la langue pour tenter de le comprendre. Nous nous proposons d’aborder les différentes occurrences du silence qui veut dire quelque chose et qui fait particulièrement un effet dans le discours. En effet, le plus souvent, on traite qu’un aspect du silence, celui d’espace permettant l’acte de langage, tel le vide permettant l’expression de la matière dans l’univers physique. Le silence est parfois employé comme une méthode très parlante selon le moment que l’on choisit de l’insérer dans le discours. Au début, au milieu ou à la fin, le silence n’en demeure pas moins porteur d’une intention d’agir sanctionnée par (l’acte perlocutoire) quand il est suscité intentionnellement par le locuteur. Ici, l’idée est de montrer l’opérativité (en puissance) du silence et l’effectivité de ce dernier dans le discours. L’objectif est non seulement de récuser l’exclusivité d’une définition le réduisant à une immobilité du comportement linguistique, mais également de proposer une nouvelle perspective concernant sa conception notionnelle, celle du lien existant avec le vouloir-dire de la langue.
Mardi 26 novembre 2024, 15h 00 – 17h 00, amphithéâtre MSH
Genres de discours mode d'emploi
Mustapha Krazem, université de Lorraine
Résumé :
Depuis une vingtaine d'années, la linguistique "interne" s'intéresse aux genres de discours, constructions linguistiques autrefois réservées aux études littéraires jusqu'à ce que Bakhtine introduise une opposition entre genres premiers (les genres quotidiens) et genres seconds (genres élaborés). Après une description théorique et empirique de ces genres, je montrerai quelques exploitations possibles pouvant bénéficier à l'étude des faits de langue.
Mardi 3 décembre 2024, 15h 00 – 17h 00, amphithéâtre MSH
Traduction de phraséologismes dans les discours politiques
Yanjing Bi, Capital University of Economics and Business
Résumé :
Les phraséologismes chinois sont des unités linguistiques au-delà du mot ayant des contraintes lexicales, morphosyntaxiques, sémantiques et conventionnelles. Utilisés par la communauté chinoise depuis longtemps, ils sont structurés et stéréotypés, entre autres, les chéngyŭ成语, les guànyòngyǔ惯用语 et les yànyǔ谚语. Ils sont la cristallisation de la sagesse et la créativité du people chinois et reflètent la pensée, la mentalité ainsi que valeurs culturelles de ce dernier. Il s’agit également du système de signes et de symboles le plus économique et le plus efficace de la langue chinoise tout en ayant le plus grand contenu d’information. Ils sont omniprésents dans les discours oraux et les textes écrits, ils sont fréquemment employés dans les documents politiques. En raison des différences politiques, culturelles et linguistiques, ces formules comportent des ambiguïtés et engendreront des difficultés de compréhension aux locuteurs non confirmés. La traduction des phraséologismes constituera ainsi une grande difficulté et une tâche majeure pour les traducteurs. Nous avons pour objectif d’analyser la traduction des phraséologismes du chinois vers le français, en nous fondant sur des cas concrets et authentiques de traduction dans notre corpus constitué d’une centaine de phraséologismes chinois et de leur traduction en français extrait du rapport du 20e Congrès national du PCC. Notre contribution tente de répondre aux questions suivantes : pourquoi utilise-t-on des phraséologismes dans les discours politiques ? Quelles sont les difficultés à les traduire ? Quelles stratégies de traduction devraient être adoptées dans leur traduction ?
Mots-clés : traduction, phraséologismes, discours politique, chinois, français.
Mardi 10 décembre 2024, 15h 00 – 17h 00, salle des séminaires R 03 MSH
Figement et défigements viraux d’énoncés à matrice syntagmatique
Antoine Gautier, Sorbonne Université
Résumé :
Cette intervention s’intéresse à des objets linguistiques particuliers, qui sont longtemps restés dans un angle aveugle de la discipline du fait du partage instauré entre les objets de la syntaxe et ceux de la morphologie. Le développement de la phraséologie depuis quelques décennies permet aujourd’hui de couvrir ces territoires.
Les objets étudiés ici sont des structures formées selon les règles de la syntaxe, mais présentant des caractéristiques de figement total ou partiel qui convie à les considérer au moins pour partie comme des items lexicaux. La notion de figement ou de lexicalisation convoquée par les lexicologues permet de rendre compte le processus dont résulte cet état, et ces faits eux-mêmes peuvent être désignés par exemple par les termes de lexie complexe (i.a. Mel’čuk, Polguère), de synthème (Martinet), de mot aggloméré (Abeillé et Godard). À leur tour, l’analyse du discours et divers courants phraséologiques ont produits des termes comme formule, phrasème, etc., pour désigner de tels objets.
Mais nombre de ces unités lexicales obtenues par figement peuvent subir ensuite un défigement, qui altère partiellement leur forme par la substitution d’un ou plusieurs mots ou morphèmes. Ce procédé de défigement aboutit à deux situations:
soit la source de la construction défigée est identifiée sur le mode de l’allusion, ce qui permet des jeux intertextuels variés sur le mode du détournement: Sur Youtube, personne ne vous entendra crier. (Twitter/X, référence au film Alien)
soit la source de la construction défigée n’est pas/plus identifiable, mais la structure défigée comporte malgré tout une partie de signifié non compositionnelle. Cette partie du signifié est de nature connotative, parfois difficile à expliciter, mais elle est stabilisée par l’usage dans un processus qui relève de l’entrenchment: De quoi Oudéa-Castera est-elle le nom ?
Comme l’indique cette notion, ce travail s’inscrit dans une approche fondée sur l’usage, et plus précisément dans le cadre théorique des grammaires de constructions (Fillmore et Kay, Goldberg entre autres).
Mardi 17 décembre 2024, 15h 00 – 17h 00, amphithéâtre MSH
« Aujourd’hui, maman est morte » ; « Longtemps, je me suis couché de bonne heure » ; […]
ou
La syntaxe dite événementielle : construction et identification
Samir Bajrić, université de Bourgogne
Résumé :
Existe-t-il une syntaxe événementielle ou, plus généralement, une manière de parler et d’écrire qui permette aux usagers des langues naturelles d’effectuer des choix (lexique, syntaxe, intonation, etc.) susceptibles d’être perçus comme étant particuliers, saillants et, mutatis mutandis, représentatifs de ce qu’il est communément appelé événement (événement = « ce qui arrive et qui a de l'importance pour l'être humain », Le Petit Robert) ? Et au-delà de ce strict domaine disciplinaire, la notion même d’événement est-elle identifiable et consensuelle ? Comment trancher entre ce qui est un événement – qui a de l’importance pour l’être humain – et ce qui ne l’est pas – qui n’a pas d’importance pour l’être humain ?
En philosophie, l’événement est un concept qui désigne un fait, situé dans le temps, sortant de l'ordinaire du déroulement du temps. En effet, Karl Jaspers soutient que pour être historique, il faut que « l’événement soit un phénomène particulier, unique, irremplaçable, non réitéré » (Jaspers, 1953 : 44). De quoi rappeler l’approche stoïcienne qui en fait l'objet de « sa logique » (le sens comme logique et événement ; voir Warkocki 2013).
En linguistique, certains estiment que « l’événement, ses protagonistes et les données spatio-temporelles peuvent être exprimés par un énoncé » (Kačić, 1988 : 257). Admettons donc qu’Albert Camus ait opté, dans le célèbre roman L’Étranger, pour l’ordre des mots que l’on sait : Aujourd’hui, maman est morte (le circonstant aujourd’hui y est en position initiale) et qu’il ait réfuté l’idée d’une construction phrastique différente de celle-ci, en l’occurrence : Maman est morte aujourd’hui (le circonstant aujourd’hui y est en position finale). Les deux phrases génèrent deux perceptions différentes de l’événementiel et, ce faisant, impliquent une hiérarchie d’analyse en termes de probité des interrogations à formuler. Pour celle-ci, on aura : « Quand maman est-elle morte ? » Réponse : « Aujourd’hui ». Pour celle-là, on se demandera : « Que s’est-il passé aujourd’hui ? » Réponse : « Maman est morte ».
Je tâcherai de poursuivre dans la voie entamée en élargissant aussi bien le cadre théorique qu’un certain nombre de faits de langue censés représenter le phénomène à étudier.