LABADIE Lionel
Thèmes de recherche : Langues, Visage, Appareil phonatoire, Maxillo-mandibulaire, Phonèmes, Oralité
Résumé : Si la dynamisation de l'appareil vocalique, lors de laquelle les muscles maxillo-mandibulaires sont activés, est la condition à l'émission des sons articulés, il semble que les études aient omis d'appréhender le possible rôle de la musculature faciale dans la production du langage oral, et donc, des langues, en lien avec les spécificités phonologiques de chacune. Des recherches ont été menées sur la mobilisation du tractus vocal et les positions articulatoires théoriques, en lien avec l'inventaire phonologique spécifique de plusieurs langues(1), dans la mesure où certains phonèmes sont captifs d'une seule langue ou bien d'un groupe linguistique, afin de déterminer s'il existait des variations dans l'activation de l'appareil phonatoire supérieur. Sans négliger le rôle du système auditif dans la perception et la discrimination des sons produits, mais qui exerce également, comme l'appareil vocalique, de fortes contraintes sur la production d'un spectre plus ou moins large d'articulations(2), force est de constater que les phonèmes propres à chaque langue ne sont pas tous forcément spontanément restituables par tout locuteur d'une autre langue, dans la mesure où ceux-ci ne font pas partie intégrante d'un champ phonétique familier. Si l'enfant naît avec la capacité de percevoir, puis ultérieurement de reproduire tous les sons de toutes les langues du monde, ses organes de la parole, muscles moteurs de l'appareil phonatoire compris, se stabilisent rapidement, à l'âge de 11 ans selon C. Hagège(3), et rendent l'apprentissage naturel de phonèmes exogènes à sa langue maternelle très difficile puisque l'aptitude innée originelle à prononcer n'importe quel son a été perdue. Ce n'est qu'en re-/réformant une partie de son cerveau et en réadaptant son appareil phonatoire que l'adolescent ou l'adulte apprenant une langue étrangère pourra identifier les sons nouveaux de la langue cible et s'efforcer de prononcer celle-ci de la façon la plus proche de l'original. Si le corpus existant autour de la phonologie inter-linguistique, des variations articulatoires et de la stimulation de l'appareil phonatoire différenciée selon la langue oralisée est foisonnant, nous n'avons, à ce stade de notre investigation, trouvé aucune étude relative à l'empreinte faciale générée ataviquement par les langues sur les locuteurs natifs de ces langues. C'est donc à ce postulat de la langue comme vecteur potentiel d'un façonnage du visage par les contraintes exercées sur les muscles faciaux, en lien étroit avec les articulations temporo-mandibulaires et l'ensemble de l'appareil phonatoire, que notre étude va s'attacher, afin de le confirmer ou bien à l'inverse de l'infirmer. Quand bien même notre étude n'exclut pas de s'intéresser au temps d'observation et d'analyse court, comme pourrait, par exemple, le permettre la conjoncture de jumeaux monozygotes ayant vécu dans la pratique de langues distinctes après avoir été séparés dans leur prime enfance, celle-ci a également pour vocation de se consacrer au temps long dans l'histoire et la pratique pluri-générationnelle des langues modernes chez les locuteurs natifs comme contributeur éventuel à la fixation de caractéristiques faciales en subordination au système phonétique et prosodique. Dans cette optique, en complément du corpus étendu cité plus haut, nous aurons pour dessein de tirer profit de sources relatives à l'ethnoarchéologie, l'anthropologie linguistique, la musicologie, mais également à la médecine et à la chirurgie correctrice et réparatrice, ceci afin d'asseoir la pertinence de notre étude et de ses conclusions. (1)Meunier C., Peirolo M., Bigi B. La mobilisation du tractus vocal est-elle variable selon les langues en parole spontanée ? (RÉCITAL, 22e édition). Vol. 1 : Journées d'Études sur la Parole, Jun 2020 (2)Demolin D. Les langues dans le monde : entre diversité et disparition. Chaire Francqui, FUNDP, Namur, 2010. (3)Hagège C. L'enfant aux deux langues. Ed. Odile Jacob.1996